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Keiko - 稽古 - L’entrainement : Cultiver et rendre présentes les choses anciennes

La langue japonaise utilise au milieu de caractères phonétiques, des idéogrammes empruntés à l’écriture chinoise : les kanji. Ces caractères véhiculent un concentré de sens qui saute au yeux du lecteur, de manière quasi inconsciente, apportant aux mots, subtilités, connotations et représentations sociales. Il est donc toujours enrichissant d’étudier les termes utilisés dans les arts martiaux japonais à la lumière des kanji qui les composent.

Keiko - 稽古 se traduit par "pratique, entraînement, étude". Il compose de nombreux mots désignant des manières de s’entraîner comme yakusoku geiko, yagai geiko, godo geiko ...

Dans keiko, ko - 古 signifie « vieux, ancien ». kei - 稽, lui veut dire « réfléchir, méditer, considérer avec une grande attention », mais aussi, étrangement, « être en désaccord, polémiquer, disconvenir ». Le mot est donc assez riche et on voit poindre ici les deux extrêmes de l’entraînement : la rigueur de l’apprentissage formelle et la liberté de l’expression spontanée. Keiko englobe donc plusieurs dimensions.

Dans son livre « Aikido », Maître Tamura nous dit que keiko contient renshu - 練習, tanren - 鍛錬 et Remma - 錬磨 :
- Renshu - 練習 qui veut dire « exercice » est composé de ren - 練 , « modeler la matière, travailler, polir » et 習 - shû, « apprendre ».
- Dans tanren - 鍛錬, il y a tan - 鍛, « forger, discipliner » et ren - 錬, raffiner, tremper et, là aussi, polir.
- Enfin dans Remma - 錬磨, polir comme un diamant, on retrouve le ren de renshû, et ma - 磨, qui peut aussi se traduire par « polir », mais surtout par « améliorer, nettoyer, brosser, décaper » ...

Les trois étapes semblent donc se succéder : la mise en place des bases, le perfectionnement technique, puis le lissage final où tout ce qui est superflu doit être éliminé.

Dans cette progression, la notion de répétition est centrale. Mais qu’il s’agisse des gestes du potier, du forgeron ou du lapidaire, chaque action du professionnel doit apporter une plus-value au travail. De même, keiko, passe certes par la répétition, mais dans le cadre d’un entraînement extrêmement sincère, réfléchi, conscient et engagé. Cette répétition n’a alors plus pour seul objet l’automatisation mécanique du geste, mais bien la compréhension par le corps, en retrouvant l’état physique, cognitif et émotionnel de ceux qui nous ont légué les techniques.

La reproduction de la formes telles qu’elles nous ont été transmises est bien sûr nécessaire. Mais l’essentiel est sans doute de réussir à véritablement animer ces techniques anciennes afin de les rendre présentes, de les revivre, ici et maintenant.

Les apparentes contradictions de kei - 稽 peuvent alors être dépassées et l’aspect critique de l’étude peut être envisagée. A travers le travail libre, elle permettra la clarification des principes ainsi que le développement de l’aisance et de la spontanéité technique. Mais cette phase est plus que délicate, et particulièrement propre à piéger l’égo.

Il est alors profitable d’avoir des maîtres pour nous faire pratiquer nokori ai, anéantir nos belles conceptions, et nous permettre de préserver notre shoshin.

Il ne reste plus alors qu’à recommencer kihon renshu.